Monday, May 20, 2024

L’industrie musicale haïtienne largement dominée par des “promoteurs toutistes” – À qui la faute?

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MIAMI – “Ti Pepe, DJ Zobop, Mimose Restaurant, Jojo Carwash, Coach Laurent presents…. “, ce sont autant de noms ridicules de sociétés de production de spectacles événementiels qu’on entend depuis un certain temps dans les spots publicitaires annonçant à longueur de journée sur les ondes des stations de radio haïtienne des soirées organisées ça et là en Floride du sud.

L’industrie musicale haïtienne est aujourd’hui largement dominée par des “promoteurs toutistes”, des individus qui ne comprennent presqu’absolument rien de l’abécédaire du bon fonctionnement des rouages de celle-ci, des affairistes qui roulent leur bosse dans toutes activités susceptibles de générer de l’argent rapide et facile. C’est le désordre total qui y règne.

Si dans le passé, de nombreux promoteurs ( amateuristes pour la plupart ) bénéficiaient d’un minimum de respect et de reconnaissance dans le milieu, il faut croire que leurs belles réalisations d’hier ne sont plus que des souvenirs lointains, entérrés pour l’éternité.

La décadence la plus totale dans laquelle est plongée aujourd’hui l’industrie musicale haïtienne est en grande partie le résultat d’un manque de vision de la part de plusieurs organisateurs de spectacles qui, dans le passé, avaient connu des périodes de vaches grasses, amassant ainsi une petite fortune, mais sans jamais s’efforcer de la structurer. Cela leur aurait permis d’assurer une bien meilleure longue carrière professionnelle dans le milieu. Tel n’était très vraisemblablement pas leur priorité. C’est ainsi que nous voyons d’abord ces promoteurs qui occupaient en différentes périodes le haut du pavé. Chacun s ‘est renfermé dans un égoïsme qui ne lui permet plus de voir que lui-même.

L’histoire du monde entertainment haïtien retiendra pour longtemps plusieurs sociétés de production de spectacles légalement reconnues ayant marqué différentes périodes au cours des deux dernières décennies. à tort ou à raison, les principaux responsables méritent d’être cloués au pilori. Nous devrions notamment pointer du doigt: Alix Timmer de MaxiSound, Rûlx Jérôme de Gala Mixx Productions, Rodney Noël/Jean Michel Cerenord de Noël & Cecibon Productions, Gerald Firmin de Kaliko Productions. Ils sont en fait les principaux responsables de ces quatre sociétés les plus réputées dans le temps. Il est utile de réfléchir à ce qu’auraient pu faire ces promoteurs de renom, s’ils avaient une belle vison des choses, pour doter l’industrie musicale haïtienne d’une structure organisationnelle solide par la mise en place de mesures essentielles au bon fonctionnement de celle-ci.

Alix Timmer: MaxiSound Productions 

Il fut un temps par exemple où le promoteur Alix Timmer menait la danse avec sa société MaxiSound, au point que son entreprise hérita pendant plusieurs années le slogan “L’étiquette du Succès”. Les affiches portant la signature de MaxiSound furent – pendant une longue période – de véritables succès. Nous sommes bien entendu au début des années 90. Cette époque fut marquée notamment par des soirées dansantes animées par des groupes compas alors très en vogue, dont System Band qui joua parfois deux week-ends d’affilée en Floride pour rassembler plusieurs centaines de fêtards à toutes ses affiches.

D’autres promoteurs comme Ben de ” Ben Productions “, Bellande Georges de ” La Perle Productions ” ou encore le nommé “Gwo Eddy” de 54th Street Productions (celui qui avait ouvert les portes de nombreux clubs de Miami à la formation Sweet Micky, à côté de feu l’africain Godffrey), étaient parallèlement très actifs dans le milieu. Timer qui jouait le double rôle de promoteur et de représentant de System Band dans cette région du sud-est des Etats-Unis était indiscutablement la personnalité la plus influente dans le monde du showbizz haïtien. Sa société MaxiSound organisait les soirées les plus réussies de l’époque avec Skah Shah #1, Top Vice, Missile 727, Coupé Cloué, Tabou Combo, Digital Express… etc. Alix Timmer ‘était le promoteur à qui presque tous les nouveaux groupes confièrent l’organisation de leur soirée inaugurale sur la scène compas.

Le gérant responsable de MaxiSound n’avait malheureusement pas su utilser sa notoriété et sa popularité dans le milieu pour poser les bonnes bases pour une solide fondation de cette industrie. “Homme du peuple”, comme certains le surnomment aujourd’hui encore, Alix Timmer a fini par perdre sa position de leader. Apprécié pour son tempérament bon enfant, sa générosité et sa modération, le PDG de MaxiSound est aujourd’hui l’ombre de lui-même. Bien qu’il continue à rouler sa bosse sans grande influence dans le milieu, sa société de production n’est plus évidemment une référence sûre en matière d’organisation de spectacles événementiel.

Rûlx Jérôme : Gala Mixx Productions 

Alors que Timer était déjà le promoteur incontournable du milieu, on commençait à voir pointer à l’horizon – au beau milieu des années 90 – une autre société : Gala Mixx Productions, dirigée par Rûlx Jérôme. On peut dire que Jérôme a connu lui aussi beaucoup de succès dans la HMI (Haitian Music Industry). Il restera pour longtemps dans l’histoire du monde entertainement haïtien le promoteur qui a récolté le plus gros gain pour une soirée dansante [Sweet Micky de Michel Martelly vs Phantoms de King Kino en 1998]. Cette affiche organisée dans une période de forte polémique entre ces deux artistes, avait rassemblé près de 3,500 fêtards à Miami Beach Convention Center.

Bien que Jérôme n’ait jamais communiqué le montant de son profit pour cette affiche, plusieurs de ses proches à l’époque avaient fait état d’un gain net estimé à près de $60,000 (soixante mille dollars), après avoir payé $20,000 à chacun des groupes et d’autres frais organisationnels relatifs à cet événement. Gala Mixx Productions fut durant une certaine période la plus respectée de toutes les sociétés de production, surplantant même MaxiSound déjà en perte de vitesse. Elle organisait de nombreuses soirées dansantes à succès avec les groupes les plus demandés de sa belle époque, dont Phantoms, Zin, Sweet Micky, T-Vice, DZine, Digital Express… etc. Gala Mixx était jusqu’à récemment (2006) la société de production de spectacles par excellenne à Miami

À l’approche du long week-end d’Action de Grâces (Thanksgiving) aux Etats-Unis, les habitués des belles affiches Zin/T-Vice organisées pendant plusieurs années d’affilée par Gala Mixx Productions à South Beach doivent peut être quelque peu nostalgiques d’une certaine époque où il était toujours question d’aller se divertir dans la soirée – du jour d’Action de Grâces célébré traditionnellement le 4ème jeudi du mois de novembre – après avoir diné en famille dans l’après-midi. Une belle tradition qui finit malheureusement par disparaître avec le temps, du moins avec la décadence du groupe Zin. Cependant, avouons-le, si le promoteur Rûlx Jérôme avait de grandes visions stratégiques pour l’avancement de cette industrie, il aurait pu trouver d’autres groupes pour maintenir cette tradition. Une autre affiche qui pourrait à notre avis rassembler autant de fêtards (un public souvent estimé à près de 2000 personnes) qui faisaient le déplacement pour cet événement habituel de la vie socio-culturelle haïtienne à Miami.

Comme son collègue Alix Timmer de MaxiSound, Jérôme devient depuis un certain temps l’ombre de lui-même Sa société de production est quasi inexistante pour ne pas dire devenue “défunte” dans le milieu. Rûlx Jérôme s’effondre semble-t-il pour de bon, de l’avis de nombreux observateurs. Son magasin disquaire Galamixx Records Shop a récemment fermé ses portes après près de vingt ans d’existence dans le quartier de Little Haiti.

R. Noël/Jn. M. Cerenord : Noël & Cecibon Productions

Autre société. Noël & Cecibon Productions n’est pas non plus en odeur de sainteté. Elle est en partie responsable de cette situation de désordre, où les choses ne se font pas comme on l’aurait souhaité dans cette industrie. Cette sociétée co-dirigée par Rodney Noël et Jean Michel Cerenord a dominé le monde du spectacle haïtien à Miami pendant environ une décennie.

Epaulés dans leur début par le chanteur keyboardiste de Top Vice, Robert Charlot, et le promoteur Alix Timmer, les principaux responsables de N&C Productions se sont rapidement frayés leur chemin pour s’imposer dans le milieu comme les plus incontournables. Leur première affiche à succès réunissait en 1998 le tandem Top Vice / T-Vice. Une soirée qui rassemblait près de 2,000 fêtards à l’ancien club Kay’s (aujourd’hui Tatiana Russian Restaurant & Nightclub) à Hallandale Beach.

Motivés par cette réussite, Rodney et Jean Michel prenaient ainsi le goût d’organiser des spectacles dansants avec les formations les plus en vogue jusqu’à tout récemment. Ces inséparables promoteurs priorisaient pendant de longues années les formations dites “Nouvelle Génération” comme T-Vice, Kreyol La, Carimi. Une stratégie payante, qui leur avait permis d’attirer l’attention de tous les jeunes et nouveaux groupes, bien sûr, mais aussi d’asseoir leur notoriété et leur crédibilité auprès des jeunes “partygoers”. Les affiches portant la signature de Noël & Cecibon Productions étaient dans le temps une garantie de succès. N&C Prod. a eu le mérite d’organiser de belles affiches compas dans des clubs luxueux à Miami-Dade et à Broward.

Organisatrice du festival de musique haïtienne le plus rassembleur aux Etats-Unis (Haitian Compas Festival lancé en juillet 1999), Noël & Cecibon Productions allait connaître son apogée au beau milieu des années 2000. Cet événement a su faire de Miami la nouvelle “capitale du konpa dirèk” en diaspora. Cependant, le tempérament hautain du président de cette société à l’égard de nombreuses personnalités (musiciens, managers, promoteurs, animateurs à la radio, journalistes et autres acteurs de cette industrie… ), son égo surdimensionné ont beaucoup joué en la défaveur de de celle-ci.

Les principaux responsables de Noël & Cecibon Productions ont peut-être eu, à un certain moment, la sensation d’arriver au sommet, sans penser à renouveler leurs stratégies. Rodney et Jean Michel avaient longuement occupé une place très importante dans cette industrie. Leur plus grande erreur, c’est qu’ils n’ont jamais apporté une structure solide à cette industrie. De nombreux observateurs estiment que les deux associés ont commis une autre erreur monumentale : vouloir régner en maître absolu dans l’industrie musicale haïtienne, au grand mépris des autres. Ajouter à cela, le PDG de la société a eu la mauvaise idée de monter son propre groupe (Harmonik), devenu un concurrent direct des autres formations musicales qui lui ont permis de se faire reconnaître et ainsi participé à sa notoriété. Aujourd’hui, la société Noël & Cecibon Productions est un peu en perte de vitesse. Sa notoriété dans le milieu est de plus en plus menacée avec ce grand désordre qui y règne.

Gerald Firmin : Kaliko Productions

Une dernière société qui, à notre avis, a aussi manqué au devoir de doter cette industrie d’une structure ferme et stable, c’est bien Kaliko Productions dirigée par les frères Firmin. Financièrement très solide à un certain moment, Kaliko Productions concurrençait sérieusement Noël & Cecibon Productions. Producteur de CDs, gérant responsable et co-propriétaire du très fréquenté club Marabou Café dans le temps, gérant responsable du très demandé groupe Djakout Mizik, représentant de la formation Krezi Mizik, principal promoteur de “Haitian Independence Festival”, Gerald Firmin aka Kaliko contrôlait ainsi une large partie de cette industrie pendant au moins deux bonnes années. Ce promoteur avait assez de temps pour construire l’image de sa société et surtout asseoir sa notoriété dans le milieu. Malheureusement, il multipliait gaffes et faux pas jusqu’à ce que la mauvaise gestion et le manque de planification aient raison de lui. Encore actif dans le milieu, Gerald Firmin tente de remonter la pente raide ces derniers jours, après avoir connu tout récemment de nombreux échecs dans cette industrie.

À qui la faute ?

Il faut croire que le manque de bonnes visions futuristes de ces différents promoteurs aussi bien que le tempérament hautain et égocentrique de la plupart d’entre eux sont à la base de leur ” descente aux enfers “. Ils ont presque tous commis l’erreur d’être à la fois promoteur et manager/représentant de groupe. Une situation qui conduit évidemment à des conflits d’intérêts parfois majeurs. Les différents promoteurs susmentionnés avaient presque toutes les ressources nécessaires et la notoriété suffisante pour s’organiser entre eux afin d’aider à mettre en place des structures de bonne gestion pour le bon fonctionnement de l’industrie musicale haïtienne à Miami.

Le manque d’unité et le déficit de leadership affichés par ces organisateurs de spectacles événementiels ont pour lourdes conséquences d’occasionner l’entrée en scène d’un groupe de “promoteurs toutistes”, des sociétés de production qui ne sont mêmes pas enregistrées auprès du département du commerce de l’Etat de Floride, fonctionnant en toute illégalité. L’absence de leadership : ça coûte très cher à cette entreprise. Les promoteurs de renom d’hier s’éclipsent partiellement, et les ” promoteurs affairistes ” deviennent de plus en plus nombreux dans le milieu. Aujourd’hui, n’importe qui s’auto-proclame promoteur. A qui la faute ? Qui sont les vrais responsables de ce désordre ?

S’ils ne sont pas entièrement responsables de cette situation de désordre, il est clair que les principaux dirigeants de ces sociétés de production (MaxiSound, Gala Mixx, Noël & Cecibon et Kaliko) y sont pour beaucoup, puisqu’ils n’ ont rien fait pour penser à la bonne structure et au bon fonctionnement de cette industrie.

À notre avis, les Timer-Jérôme-Noël/Cerenord-Firmim pouvaient tous se regrouper sous le parapluie d’une association dénommée par exemple ” Florida Haitian Concert Promoters Association”(FHCPA) pour concevoir et mettre en place l’organisation idéale qui garantirerait sur le long terme la bonne marche de cette industrie. Une giga structure de production permettrait sincèrement de rendre cette épine dans nos pieds moins douloureuse. Ce serait une contribution efficace à la lutte contre la médiocrité et le “toutisme”.

Avant de terminer, nous devons faire remarquer, dans l’intérêt de la vérité, que les responsables de groupes musicaux sont aussi coupables dans ce désordre qui règne depuis un certain temps dans cette industrie. Un autre aspect sur lequel nous nous pencherons dans l’une de nos plus prochaines éditions.

Dessalines Ferdinand

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